top of page

AMALGAMES

 

La mémoire courte et la mémoire longue de la photographie, mêlées dans ces amalgames, dans lesquels je m’approprie certes des visages qui ne sont pas ceux des miens, ou qui le sont, qui sait... mais qui disent ce que nous fûmes tous, plus ou moins et ce que nous deviendrons tous ni plus ni moins.

​

Poussière d’argent des négatifs et des os, mêlés à la poussière du sable des origines et de la fin. Les échos du temps, en transparence , qui détruisent peu à peu l’image-mère, celle qui resta dans un album, qui en sortit un jour pour se perdre dans l’anonymat de l’histoire de la photographie et de son-ses sujets.

 

L’usure du temps mange les sels d’argent, mange la chair des enfants, nous restitue quand elle le peut des bribes de notre passage par là. Plus nous avançons, plus inutilement nous regardons en arrière, quand l’en-avant ne promet qu’une chambre noire définitive, dans laquelle nulle lumière ne viendra.

 

Oui , admettons que la finalité d’un photographe soit bien de mourir un jour, une nuit, dans une chambre forte , sans porte ni fenêtres, telle la chambre noire du premier appareil à photographier. Tombe définitivement scellée, mais qui a honnêtement rempli sa fonction de dévoiler de part en part le passage sur terre .

 

Délibérément, sont associés dans ces amalgames, en fonds secrets mais palpables, des humus de forêt, des rives abreuvées de courants d’eau, des écumes ravageuses. La putréfaction joyeuse de la nature nous porte à croire que nos vestiges d’images sédimenteront toujours vers quelque chose ou quelqu’un. Des regards tristes, engoncés, d’enfants du début du vingtième siècle, qui lâchent un jour notre main pour s’enfoncer dans leur passé mais qui furent de notre berceau.

 

Oser s’en prendre à la chronologie, à laquelle il ne sert plus de croire,

mélanger les enfances et les parentalités dans un voyage cosmo-photographique où la relation espace-temps est - si ce n’est abolie -  à tout le moins, démantelée. L’enfant se regarde père, la fille engendre la mère. La photographie servilement nous dicte le temps mais sa folie profonde, véritable nous dit la porosité de notre existence, le culot que nous avons de la croire ferme et définitive.

Elle nous révèle que le passé a déjà mangé le futur.

 

bottom of page